En 2025, où en est-on du traitement de l’amyotrophie spinale ?

En dix ans, l’amyotrophie spinale proximale liée à SMN1 (SMA 5q) est passée d’une maladie sans traitement de fond à une pathologie pour laquelle trois traitements dits “modificateurs de la maladie” sont disponibles :

  • Spinraza® (nusinersen) – injection intrathécale répétée

  • Zolgensma® / Itvisma® (onasemnogene abeparvovec) – thérapies géniques en dose unique

  • Evrysdi® (risdiplam) – traitement oral quotidien

1.1. Les traitements actuellement disponibles en France

En France, pour la SMA 5q, la Haute Autorité de Santé reconnaît aujourd’hui trois traitements innovants : Spinraza®, Zolgensma® et Evrysdi®. Tous ciblent la voie SMN, mais avec des modalités, des contraintes… et surtout, des limites d’indication très différentes selon l’âge et le type de SMA.(AFM Téléthon)

Spinraza® (nusinersen)

  • Oligonucléotide antisens administré par ponction lombaire (injections de charge, puis entretien tous les 4 mois).

  • En France, il est traitement de 1ʳᵉ intention pour les SMA 5q de types 1, 2 et 3, y compris chez les patients déjà symptomatiques.(Haute Autorité de Santé)

  • En revanche, la HAS considère qu’il n’a pas de place dans la SMA de type 4 (formes d’apparition plus tardive, souvent à l’âge adulte).(Haute Autorité de Santé)

Evrysdi® (risdiplam)

  • Petit médicament oral qui modifie l’épissage de SMN2 et augmente la production de protéine SMN.

  • AMM européenne pour les SMA 5q types 1–3 à partir de 2 mois, et approuvé dans plus de 100 pays pour les patients avec SMA 5q (souvent “tous âges”, au moins à partir de 2 mois, certains pays incluant explicitement les adultes).(Organisation mondiale de la santé)

  • En France, la HAS a rendu en 2025 un avis favorable au remboursement dans :

    “le traitement de l’amyotrophie spinale (SMA) 5q chez les patients avec un diagnostic clinique de SMA de type 1, 2 ou 3, ou avec 1 à 4 copies du gène SMN2”.(Haute Autorité de Santé)

  • Type 4 : pas de place dans la stratégie thérapeutique selon la HAS (absence de données cliniques fournies chez ces adultes).(Roche Assets)

Zolgensma® (onasemnogene abeparvovec – IV)

  • Thérapie génique en dose unique : un vecteur AAV2/9 apporte une copie fonctionnelle du gène SMN1.

  • L’AMM européenne est actuellement limitée aux jeunes enfants (moins de 2 ans) avec SMA 5q présymptomatique ou de type 1 (et, selon les pays, certains types 2).

  • En France, la HAS donne un avis favorable au remboursement uniquement :

    • chez les patients présymptomatiques ayant jusqu’à 3 copies de SMN2 ;

    • ou avec un diagnostic clinique de SMA de type 1 ou 2.

    • Zolgensma n’a pas de place en type 3 et n’a pas d’AMM en type 4.(Haute Autorité de Santé)

👉 Conséquence très concrète : en France, la grande majorité des enfants avec SMA 5q ont aujourd’hui accès à un traitement de fond (Spinraza, Evrysdi, Zolgensma). En revanche, les adultes SMA, en particulier les formes de type 4, restent souvent hors des critères de remboursement, alors même que les médicaments sont théoriquement autorisés à l’échelle internationale.

1.2. France vs reste du monde : un accès encore très inégal

Si l’on regarde au-delà de la France :

  • Risdiplam est approuvé dans plus de 100 pays, souvent avec des indications couvrant tous les âges pour les SMA 5q types 1–3.(Organisation mondiale de la santé)

  • Spinraza est autorisé en Europe et aux États-Unis pour des patients pédiatriques et adultes, mais les conditions de remboursement varient fortement d’un pays à l’autre.(VIDAL)

  • Pour Zolgensma, l’accès reste en pratique concentré sur les jeunes enfants, en raison :

    • des limites d’AMM (poids, âge)

    • des enjeux de sécurité (microangiopathie thrombotique, toxicité hépatique)

    • du coût extrêmement élevé (plus de 2 M$ la dose).(Haute Autorité de Santé)

En France, le registre national SMA France montre qu’environ 76 % des patients inscrits sont traités par l’un des trois médicaments innovants, principalement nusinersen (46,1 %), puis risdiplam (23,2 %) et onasemnogene (9,2 %), parfois de façon séquentielle ou combinée.(AFM Téléthon)

Mais ces chiffres cachent une réalité : plus la maladie est tardive, plus l’accès est compliqué. Les adultes SMA (type 3 tardif, type 4) restent la “zone grise” du système, alors qu’ils représentent justement une partie importante de la population vivante avec la maladie.


2. Les essais en cours : ce qui bouge en France et dans le monde

Les essais cliniques actuels suivent deux grandes stratégies :

  1. Mieux utiliser ce que l’on a déjà (Spinraza, Evrysdi, Zolgensma)

  2. Ajouter des traitements “booster musculaires” ou de nouvelles thérapies géniques, qui intéressent particulièrement les adolescents et les adultes.

2.1. Optimiser et combiner les traitements SMN

Plusieurs études de suivi à long terme (extensions de Spinraza et Evrysdi, études de “switch” d’un traitement à l’autre, etc.) visent à mieux comprendre :

  • quel traitement est le plus adapté à quel profil (type, âge, niveau de handicap),

  • s’il est utile de changer de traitement en cas de plateau,

  • comment gérer les effets indésirables (liquide céphalo-rachidien, foie, etc.).(BPS Publications)

Ces essais concernent à la fois des enfants et des adultes, mais les résultats mettent du temps à se traduire en réévaluation des recommandations et des remboursements, en particulier pour les formes adultes.

2.2. Les “add-on” musculaires : apitegromab, taldefgrobep & co.

Pour les patients déjà traités par Spinraza ou Evrysdi, notamment les formes plus tardives (types 2 et 3, souvent adolescents ou adultes), l’enjeu est d’aller plus loin : renforcer la masse musculaire, récupérer de la force, améliorer la fonction motrice au-delà de ce que permet le seul gain de SMN.

Deux anticorps anti-myostatine sont particulièrement avancés :

Apitegromab (SRK-015, Scholar Rock)

  • Anticorps ciblant la myostatine, administré en plus d’un traitement SMN (Spinraza ou Evrysdi).

  • Les études TOPAZ (phase 2) et SAPPHIRE (phase 3), menées chez des patients SMA de type 2 et 3 déjà traités par SMN-upregulator, montrent une amélioration de la fonction motrice chez une partie des patients.(ClinicalTrials)

  • Sur cette base, une demande d’AMM a été déposée auprès de la FDA, avec une procédure de priorité. Une demande est également en cours au niveau européen, et l’entreprise annonçait l’espoir d’un lancement en Europe autour de 2026 si l’AMM est obtenue.(investors.scholarrock.com)

  • Dernier rebondissement : après des échanges avec la FDA, Scholar Rock doit réviser certains aspects industriels (site de production) et prévoit une nouvelle soumission en 2026, ce qui peut décaler les échéances.(delta.larvol.com)

Taldefgrobep alfa (Biohaven)

  • Autre anti-myostatine, en association à un traitement SMN.

  • L’essai de phase 3 RESILIENT montre des améliorations cliniquement pertinentes de la fonction motrice, mais l’étude ne remplit pas son critère principal statistique à 48 semaines.(ir.biohaven.com)

  • Résultat : le programme est en cours de repositionnement, et l’avenir de taldefgrobep dans la SMA est incertain.

📌 Pour les adultes SMA : ces traitements “add-on” sont probablement les candidats les plus proches de leur réalité (patients déjà traités par Spinraza/Evrysdi, mais avec un handicap moteur installé). Ils sont donc au cœur des attentes pour 2026–2027.

2.3. Nouvelles générations de thérapies géniques

Le champ des thérapies géniques bouge très vite :

Itvisma® (onasemnogene abeparvovec-brve, Novartis)

  • Nouvelle version de la thérapie génique basée sur onasemnogene, administrée par voie intrathécale (dans le liquide céphalo-rachidien) plutôt que par perfusion IV.

  • En novembre 2025, la FDA a approuvé Itvisma pour les patients ≥ 2 ans, y compris les adultes, avec mutation confirmée de SMN1.(Novartis)

  • L’intérêt : contourner les limites de poids et de dose virale de Zolgensma, et ouvrir la thérapie génique à des adolescents et des adultes, au moins aux États-Unis pour l’instant.

OAV-101 IT (autre programme Novartis)

  • Autre version intrathécale d’un vecteur SMN1, encore en développement, destinée également aux patients plus âgés/plus lourds.(sma-europe.eu)

À ce jour :

  • Aucune AMM européenne n’est encore accordée pour Itvisma ou OAV-101.

  • On peut s’attendre, dans les prochaines années, à des dépôts de dossiers auprès de l’EMA pour étendre la thérapie génique à des tranches d’âge plus élevées… mais le calendrier reste flou.

2.4. Traitements ultra‐précoces, voire in utero

En 2025, un cas très médiatisé a montré qu’un fœtus à risque de SMA de type 1 avait été traité in utero par risdiplam, administré à la mère à partir de 32 SA, avec une absence de signes de SMA à 2 ans et demi chez l’enfant.(Le Monde.fr)

Ce cas reste totalement expérimental, mais il illustre la direction prise par la recherche :

  • traiter de plus en plus tôt,

  • coupler diagnostic néonatal (voire prénatal) et mise en route immédiate des thérapies.

En France, le dépistage néonatal de la SMA vient d’être intégré au programme national (mise en place progressive à partir de septembre 2025), ce qui devrait changer radicalement le pronostic des nourrissons à l’avenir.(AFM Téléthon)


3. Et après ? Ce qu’on peut raisonnablement attendre de 2026… et ce qu’on demande pour les adultes SMA

3.1. Les échéances possibles pour 2026

Pour rester honnête et réaliste, 2026 ne sera pas “l’année miracle” où tout s’arrange, mais on peut espérer :

  1. Apitegromab

    • Un aboutissement (enfin !) du dossier réglementaire aux États-Unis, puis une décision européenne, possiblement à l’horizon 2026–2027 si les problèmes techniques sont résolus.

    • Si l’AMM est obtenue, les premières indications devraient viser les SMA de type 2 et 3 déjà traitées par SMN-upregulator, donc très directement les adolescents et jeunes adultes.(investors.scholarrock.com)

  2. Itvisma & la thérapie génique pour les plus de 2 ans

    • En 2025, l’approbation américaine ouvre la voie à une extension réelle de la thérapie génique aux patients plus âgés.(U.S. Food and Drug Administration)

    • On peut s’attendre à ce que Novartis prépare un dossier européen ; 2026 pourrait être l’année où les discussions EMA s’intensifient, même si une AMM effective en Europe n’est pas garantie à si court terme.

  3. Registres et données “vie réelle” françaises

    • Le registre SMA France continue de produire des données sur plus de 1 000 patients, dont une part croissante d’adolescents et d’adultes traités.(AFM Téléthon)

    • Ces données sont essentielles pour demander une révision des avis de la HAS, en particulier pour les types 3 tardifs et 4.

  4. Mise en œuvre effective du dépistage néonatal SMA dans tout le pays

    • Même si cela ne “répare” pas la situation des adultes, c’est un levier majeur pour que la génération suivante ne vive pas la même trajectoire de perte motrice.(AFM Téléthon)

3.2. Ce que demandent les patients adultes SMA

Du point de vue des adultes vivant avec une SMA, les priorités sont claires. En 2026, on ne demande pas des promesses lointaines, mais des décisions concrètes :

  1. Élargir réellement l’accès aux traitements de fond

    • Réévaluer la “non-place” de Spinraza et Evrysdi dans la SMA de type 4 à la lumière des données internationales et du vécu des patients.(Haute Autorité de Santé)

    • Sortir d’une logique “tout pour les bébés, rien pour les adultes” alors que la maladie reste évolutive tout au long de la vie.

  2. Intégrer systématiquement les adultes dans les essais cliniques

    • Les études de phase 2/3 sur les add-on musculaires (apitegromab, taldefgrobep…) montrent déjà que l’on peut améliorer la fonction motrice malgré un handicap installé.

    • Il faut que les protocoles futurs incluent dès le départ des cohortes adultes, et pas seulement des “late-onset” enfants/adolescents.

  3. Accélérer les procédures d’évaluation et de remboursement

    • Quand un traitement obtient une AMM, les délais HAS / Comité économique / mise en remboursement représentent des années perdues pour des patients dont la force musculaire diminue mois après mois.

    • Pour les maladies neuromusculaires évolutives, il faut des fast-tracks spécifiques, au même titre que ce qui existe en oncologie.

  4. Reconnaître officiellement la valeur du maintien de l’autonomie

    • Un traitement qui “se contente” de stabiliser ou de gagner quelques points de fonction motrice peut faire la différence entre :

      • pouvoir encore travailler vs devoir arrêter,

      • pouvoir vivre chez soi vs entrer en institution,

      • pouvoir se transférer seul vs nécessiter une aide constante.

    • Ces bénéfices, visibles au quotidien, doivent peser dans les évaluations médico-économiques, y compris pour les adultes.

  5. Associer les patients et les associations aux décisions

    • Les registres existent, les témoignages aussi : les adultes SMA ne sont pas une “population théorique”.

    • On demande des concertations formelles avec les associations de patients lors des réévaluations de Spinraza, Evrysdi, des discussions sur apitegromab, Itvisma, etc.


4. En résumé

  • Aujourd’hui, la France dispose d’un arsenal thérapeutique de pointe pour la SMA 5q (Spinraza, Evrysdi, Zolgensma), mais l’accès réel reste très inégal, surtout pour les formes adultes (type 4).

  • À l’échelle mondiale, la dynamique est forte : extension des thérapies géniques aux >2 ans (Itvisma), développement de traitements “add-on” comme apitegromab, essais sur la myostatine, réflexion sur les traitements ultra-précoces.

  • En 2026, les enjeux clés seront :

    • l’aboutissement des dossiers réglementaires des add-on musculaires ;

    • les premières discussions européennes sur les nouvelles thérapies géniques pour les plus âgés ;

    • et, surtout, une prise de conscience politique et réglementaire pour que les adultes SMA ne restent pas les grands oubliés de cette révolution thérapeutique.

Pour les patients adultes, le message est simple :

Nous existons, nous avons encore tout à gagner de ces traitements, et nous n’avons pas le temps d’attendre une génération de plus.


 

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